«Au bout de ces cinq dernières années (2017-2021), le nombre de migrants, tous âges confondus, arrivés en Italie a dépassé 42 mille, contre plus de 53 mille interceptés, pendant la même période, par nos autorités», recense le rapport du Ftdes.
Il ne passe pas un jour ou presque sans que la mer livre à la mort si tragique tant de victimes, soit des jeunes et moins jeunes qui voudraient fuir le pays vers l’Eldorado, jusqu’aux portes d’une vieille Europe tout bonnement xénophobe et antimouvements migratoires. Pourtant, on n’en a pas fini avec un tel phénomène qui a fait état d’un constat d’autant plus amer que l’approche sécuritaire l’a rendu encore plus complexe.
Ainsi, la Méditerranée demeure un véritable cimetière, où les passeurs, ces vendeurs d’illusions, ont souvent réussi à échapper à tout contrôle frontalier. Et les chiffres sont têtus : «870 migrants tunisiens sont arrivés, depuis janvier dernier, en Italie, alors que 2.722 ont fini par être arrêtés. Tandis que seulement 254 tentatives de traversées ont été déjouées», révèle le Ftdes, Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, dans son dernier rapport annuel sur la migration irrégulière, présenté au cours d’une conférence de presse, tenue hier au siège du Snjt à Tunis. Son chargé de communication, Romdhane Ben Amor, a d’emblée noté que toutes les données et statistiques sont recueillies de sources superposées dont certaines relèvent de la partie italienne, d’autres distillées de ses propres moyens d’observation. Le ministère de l’Intérieur, selon lui, ne semble pas assez coopératif, vu que l’accès à ces informations pose toujours problème. «Sauf que dans les cas de naufrages et des noyades, on s’appuie sur les communiqués des ministères de l’Intérieur et de la Défense nationale», ajoute-t-il.
Pour lui, la collecte des informations a beaucoup servi pour mieux comprendre les changements les plus importants ayant accompagné le phénomène en question. Sinon, ce rapport n’est qu’une lecture critique faite dans un contexte sociopolitique et économique instable et en perpétuelle évolution. Toujours est-il que la question migratoire en Tunisie évoque une réalité de plus en plus alarmante.
«Au bout de ces cinq dernières années (2017-2021), le nombre des migrants, tous âges confondus, arrivés en Italie a dépassé 42 mille, contre plus de 53 mille interceptés, pendant la même période, par nos autorités», recense le rapport du Ftdes. Cela dit, en guise d’analyses, notre pays avait abusé de son approche sécuritaire dans le traitement de ce phénomène, aux dépens des solutions d’ordre notamment socioéconomique. C’est que face à ce fléau, il n’y a aucune lumière au bout du tunnel. La solution sécuritaire n’a jamais été un bon choix.
A question complexe, réponse multiforme
La migration non organisée est-elle une décision motivée par des raisons purement personnelles ? Khaled Tabbel, sociologue, n’y croit pas. Il y voit une réponse multiforme à une question aussi complexe que compliquée. Voire une résultante d’un vécu jamais résolu, à bien des égards, et ce depuis la révolution.
Or, l’accélération de ce phénomène est due essentiellement à des facteurs tant subjectifs qu’objectifs. Il a qualifié cette dernière décennie de celle de toutes les horreurs, au cours de laquelle le phénomène a pris de l’ampleur. Remontant le temps des crises successives qu’avait connues la Tunisie après 2011, M. Tabbel a pointé du doigt la politique d’un Etat impuissant et incapable de répondre aux moindres préoccupations de ses jeunes. Ces derniers, déçus, n’ont plus confiance dans les choix de leur pays. «Et depuis le 25 juillet, ils n’ont vu rien changer, d’autant que l’Europe continue à mettre la pression sur nos successifs gouvernements», juge-t-il. L’islamophobie, explique-t-il, et bien d’autres conflits racistes avaient poussé à l’incrimination de la migration en général et celle irrégulière en particulier. Sans pour autant oublier que les médias européens ont, eux, aussi, jeté de l’huile sur le feu, mettant en garde contre l’évolution exponentielle de la migration dans la Méditerranée.
Une politique à réviser
Et le sociologue d’estimer que la migration non organisée demeure un sujet conflictuel, et ce, à travers les déclarations médiatiques faites par l’ancien président du parlement italien. Ce dernier avait prévu que «le nombre d’arrivées en Italie pourrait atteindre 50 mille migrants irréguliers si la Tunisie post-25 juillet ne renouait pas avec sa démocratie», révèle-t-il. La Tunisie est-elle un pays de transit ? «Elle l’est ainsi depuis des années, où l’on a enregistré des flux des migrants de différentes nationalités dont la quasi-majorité sont des subsahariens», conclut-il. Avec toujours un nombre important de victimes.
Du reste, le chargé de communication au sein du Ftdes a insisté sur l’intérêt qu’il y a de réviser la politique de coopération entre la Tunisie et l’Union européenne.